Les enjeux de demain dans l’assurance santé collective

  Life  06/05/2021

Assurance santé collective – Interview

Nous avons rencontré Olivier Jonckheere, Directeur courtage et grands comptes et Christelle Texier, Broker référent grands comptes du groupe AON pour parler santé collective. Ainsi que Capucine Savournin, Déléguée régionale Paris Ile-de-France et Pauline Arcas, Inspecteur au sein de GAN Eurocourtage.

Parlons de vous : Quel est votre rôle et positionnement en tant que courtier et assureur ?

Olivier Jonckheere – AON : Nous avons un rôle de courtier conseil et gestionnaire en matière de prévoyance et de santé collective. Nos actions se caractérisent par du conseil autour de la protection sociale complémentaire, de la négociation en termes de placement sur le marché (notre grande valeur ajoutée) et de la gestion administrative. Nous sommes assembleurs de solutions de services en prévoyance ou en santé pour nos entreprises clientes.

Capucine Savournin – Gan Eurocourtage : De notre côté, nous sommes les interlocuteurs privilégiés de nos partenaires courtiers. Notre mission principale est d’assurer l’animation des cabinets en prenant en charge leur demande, de développer et piloter nos portefeuilles communs de façon à ce qu’ils restent rentables.

Nous sommes leur porte d’entrée, et en quelques sortes leur voix au sein de la compagnie d’assurance, en particulier auprès de notre direction de la souscription. Et de la même manière, c’est l’inspection qui porte les réponses assureurs aux courtiers.

Quel a été l’impact de l’ANI et du 100% santé dans votre positionnement ?

Capucine Savournin – Gan Eurocourtage : L’ANI avec l’obligation d’une complémentaire santé en entreprise a été perçu comme un tsunami. Cela sonnait comme la fin de la santé individuelle au profit de la santé collective avec une forte concurrence des acteurs sur le segment des TPE et PME qui ne proposaient pas encore de régime à leurs collaborateurs. Aujourd’hui, on est sur un enjeu de pilotage pour adapter les garanties et/ou les tarifs au plus proche de la réalité des besoins de couverture des entreprises et de leurs salariés.

Ce pilotage est encore plus sous les feux des projecteurs depuis l’arrivée du 100% santé. Aujourd’hui avec le 100 % santé, les régimes type ANI sont largement upgradés avec l’obligation de renfort des couvertures en audioprothèse, optique et dentaire. La philosophie de cette réforme qui vise à lutter contre le renoncement aux soins est plus que louable, mais c’est illusoire de penser qu’il n’y aura pas de répercussions sur les contrats. L’impact de ces minimas de couverture devrait être assez conséquent sur les contrats « entrée de gamme ». Après une année 2020 marquée par la pandémie et au vu des reports de soins, nous ne disposons pas encore d’un recul suffisant.

Christelle Texier – AON : En effet, ce sont des réformes que nous avons portées. Nous ne voyons pas encore tout à fait les effets car c’est assez récent. Au-delà de la partie conseil, nous avons dû revoir l’ensemble des contrats, des avenants et des paramétrages dans nos systèmes d’informations. Et nous avons dû faire face à une accélération de la standardisation du rédactionnel des garanties des couvertures santé. Une chose est sûre : il y a eu beaucoup de communication au moment de la présidentielle et très peu au moment de la mise en œuvre.

Comment vous voyez-vous demain dans l’offre santé, notamment dans l’assurance de personnes en collective ?

Olivier Jonckheere – AON : Demain, le distinguo se fera avec l’accompagnement par des services à valeur ajoutée. Nous avons beaucoup parlé de la téléconsultation avant la Covid. Aujourd’hui, elle est devenue incontournable. Nous avons travaillé sur le sujet des aidants familiaux car cette problématique est en train de prendre réflexion chez pas mal de nos clients. Et puis, nous avons également la dimension services aux salariés qui est de plus en plus déterminante. La question est : est-ce que les entreprises auront les moyens de payer ce type de service ?

Pauline Arcas – Gan Eurocourtage : Nous sommes assez ambitieux. La différenciation se fait déjà sur tout ce que nous mettons en œuvre autour du contrat d’assurance et notre accompagnement sur la partie innovation service. Les besoins sont partout ; les salariés et même les DRH dans leur démarche QVT (Qualité de Vie au Travail).

Dans les grands groupes notamment, des budgets sont votés et négociés avec les partenaires sociaux dans le cadre des NAO (Négociations Annuelles Obligatoires). Notre but est d’accompagner nos entreprises clientes à mettre en place des services qui ont du sens que ce soit dans la prévention, le bien-être ou pendant la maladie avec des services d’aides. Des services qui soient utiles et utilisés. Les programmes Wellness sont de véritables sujets pour les RH. Il est de la responsabilité de l’employeur de faire en sorte que son salarié soit bien dans sa tête et dans son corps, en plus de maintenir un équilibre vie professionnelle et personnelle. On remarque une accélération de cette prise de conscience de la part des entreprises qui se tournent vers la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), un sujet incontournable.

Comment voyez-vous le financement des services et de l’assurance à terme ?

Capucine Savournin – Gan Eurocourtage : Nous travaillons encore sur le modèle économique. A terme, il sera lié aux types de services. Certains devraient être financés par le régime (exemple : la téléconsultation). Alors que d’autres n’ont pas forcément vocation à être couverts par les régimes comme l’accompagnement des parents avant et après la naissance par exemple, le 2nd avis médical ou encore l’accompagnement des salariés aidant familiaux

Olivier Jonckheere – AON : Je pense que dans l’intérêt collectif, le co-financement devrait être maintenu. Seulement avec les contraintes économiques actuelles, de plus en plus d’entreprises s’orientent vers un contrôle budgétaire de leur investissement en matière de couverture sociale complémentaire y compris dans les services. C’est vrai qu’aujourd’hui nous le voyons peu mais demain il n’est pas impossible que les services, qui en général sont en inclusion des dispositifs, commencent à apparaitre en facultatif donc 100% à la charge du collaborateur. Cela va dépendre de la stratégie budgétaire des entreprises entre investir en masse salariale ou investir en protection sociale complémentaire.

Quelles tendances et évolutions des offres souhaiteriez-vous à terme ?

Christelle Texier – AON : Aujourd’hui, lorsque l’on répond aux appels d’offre avec une sélection d’organismes-assureurs, la différence ne se fait ni sur les garanties déjà très encadrées ni sur le tarif qui est assez limité. Il arrive que la décision soit prise par le client au regard d’un benchmark de services : nous comptons sur les assisteurs tels que Mutuaide pour proposer des offres innovantes et différenciantes. Aujourd’hui avec la mise en place d’accords QVT, les services prennent une place importante. C’est devenu un bon moyen pour choyer les salariés.

Capucine Savournin – Gan Eurocourtage : Nous développons la partie service, nous cherchons à proposer au-delà de nos couvertures d’assurance la ou les solutions services qui répondront à la réalité des besoins de nos entreprises clientes et de nos assurés. En matière de garanties, il y a encore des évolutions possibles, avec par exemple le sujet des maladies redoutées garantie peu proposée aujourd’hui ; ou encore celui de la dépendance, sujet que l’on ne traite toujours pas alors que c’est un vrai enjeu de société. Nous sommes toujours dans l’attente de cette 5ème branche de la Sécurité sociale.

Olivier Jonckheere – AON : Et puis, nous sommes tous tributaires des décisions du gouvernement et de la stratégie des régimes de base. Oui, on tend de plus en plus vers du digital à tout point de vue sur les aspects gestion et service, évolution des offres de produits et de nouveaux services, mais les budgets prévoyance et santé mangent l’essentiel des budgets employeurs. La loi PACTE (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) nous offre une lueur d’espoir. La prévoyance, la dépendance et l’aide aux aidants sont certes les enjeux de demain. Est-ce que pour autant il y aura une marge de manœuvre budgétaire ?

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